Les tarifs réglementés de vente de l’électricité doivent-ils disparaître ?
L’Autorité de la concurrence recommande de supprimer les tarifs réglementés de l'électricité alors que la Commission de régulation de l'énergie demande de patienter encore cinq ans. La décision est entre les mains du futur gouvernement.
Table of Contents
Un rôle d’amortisseur
Derrière ce débat technique en apparence, se cache une réalité concrète, celle des abonnements à l’électricité pour les particuliers et les professionnels ayant opté pour les tarifs bleus, le nom commercial des TRV. Ces contrats sont distribués par les opérateurs historiques, c’est-à-dire, EDF pour 95% du territoire et par des entreprises locales de distribution (ELD) pour les 5% restants, comme à Bordeaux, Strasbourg ou Grenoble. Les TRV sont fixés par la CRE, qui les calculent deux fois par an, en prenant en compte la moyenne des prix sur le marché de gros de l’électricité et en y ajoutant les différentes taxes. Ils jouent donc un rôle d’amortisseur à la hausse quand les prix flambent et, revers de la médaille, à la baisse quand les prix chutent comme c’est actuellement le cas. Cette stabilité est plébiscitée par les consommateurs français : 59% des particuliers et 35% des petits professionnels y ont recours.Un « obstacle au libre jeu de la concurrence »
Pourquoi alors vouloir les supprimer ? L’Autorité de la concurrence reproche aux TRV d’être un « obstacle au libre jeu de la concurrence et aux bénéfices potentiels de cette dernière – en termes de prix, d’innovation ou encore d’investissement ». En outre, les gouvernements successifs ont pris pour habitude de mettre l’accent sur l’évolution des prix des TRV uniquement, renforçant encore leur importance dans l’esprit des consommateurs, au grand regret des fournisseurs d’électricité alternatifs. Lorsque le premier ministre sortant, Michel Barnier, promettait fin novembre une baisse de la facture d’électricité de 14% au 1ᵉʳ février 2025, il ne parlait en réalité que des contrats aux TRV distribués par les opérateurs historiques ou éventuellement, ceux des fournisseurs alternatifs qui dupliquent ces offres. En effet, les clients qui ont opté pour des contrats indexés sur l’évolution des prix de marché de l’électricité ont déjà vu leur facture baisser et risquent, au contraire, de subir une hausse des taxes au 1ᵉʳ février. D’autres contrats font référence aux TRV, pour indiquer que les tarifs pratiqués y sont inférieurs, par exemple de 25%, une façon d’intégrer dès à présent la baisse des prix de gros de l’électricité.
« Atténuer »
les variations du marché
Toutes ces références apportent de l’eau au moulin du gendarme de la concurrence, qui estime que les TRV « envoient un signal directeur »à l’ensemble des fournisseurs. Pire, cela renforcerait
« le rôle déjà très important d’EDF sur les marchés de l’électricité et son image auprès des consommateurs ».Et pour cause, EDF étant le principal distributeur de ces contrats TRV ! Certes, les consommateurs ont toute latitude pour changer de fournisseurs d’électricité. La manipulation se fait en quelques clics, à condition de prendre le temps de s’y consacrer. L’Autorité reproche aussi à ces tarifs de ne pas avoir suffi à endiguer la flambée des prix de l’électricité en 2022-2023, puisque la mise en place d’un bouclier tarifaire a été nécessaire pour éviter de voir les factures des Français atteindre des sommets. Le diagnostic posé par le CRE ne diffère pas de celui de l’autorité de la concurrence. Le régulateur de l’énergie considère lui aussi que les TRV contribuent, sur une longue période, à
« atténuer »les variations du marché et qu’ils jouent un rôle de repère pour les différentes offres. Surtout, la CRE souligne l’attachement des consommateurs à ces tarifs, alors que les offres de marché
« sont largement moins chères, de l’ordre de 15 à 20% ».