Les eurodéputés ont adopté, jeudi 11 avril, une nouvelle réforme permettant de réguler plus efficacement le marché de l’électricité. Elle a pour but de stabiliser les factures des consommateurs, rendre l’énergie plus abordable, et soutenir l’investissement dans les énergies renouvelables, ou décarbonées, comme le nucléaire. L’approbation des États-membres de l’UE entérinera l’adoption du texte.

Dernières mesures prises avant le renouvellement du Parlement européen en juin. Initiée suite à la crise énergétique de 2022, la réforme du marché de l’électricité a été adoptée par les eurodéputés le jeudi 11 avril.

Rendre le marché plus stable et pérenne pour les consommateurs et la planète. C’est l’objectif fixé par la réforme, qui entend améliorer les capacités d’adaptation du secteur de l’électricité européen, tout en réduisant la volatilité des prix.

Une attention particulière est également portée aux énergies décarbonées pour répondre aux ambitions européennes en matière d’énergie d’ici 2050.

Approuvée à une large majorité, la réforme avait déjà fait l’objet d’un accord mi-décembre entre les négociateurs des États-membres et ceux du Parlement européen.

Une réponse à la crise énergétique

La réforme a été pensée en réponse à l’instabilité du système énergétique européen.

En effet, les prix de l’énergie n’ont cessé de croître depuis l’été 2021. La reprise économique suite à la pandémie de la Covid-19, puis le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022 ont d’abord lourdement impacté le marché.

L’interdépendance du cours du gaz et de l’électricité a aggravé la crise, tandis que la faible production hydroélectrique, liée aux importantes sécheresses, et l’inefficacité du secteur nucléaire français ont exacerbé une inflation qui affecte encore l’Europe aujourd’hui. Dès 2022, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a souligné les failles du marché : “Ce système ne fonctionne plus.”

Ainsi, le texte devait initialement présenter une refonte complète du système électrique : la révision a néanmoins été repensée pour cibler les points clés permettant la protection des consommateurs, sans ébranler les fondements du réseau européen.

Nicolás González Casares, eurodéputé espagnol à la direction des révisions du marché, a souligné les difficultés rencontrées par les consommateurs lors de ces crises, et la nécessité de répondre à ces enjeux.

Modifications unilatérales des contrats, clients parfois déconnectés des réseaux électriques… Autant de problèmes qui fragilisent les particuliers. Il explique ainsi qu’“il est essentiel de protéger le consommateur face aux injustices en cours.”

Les mesures clés

Le texte comporte une série de dispositifs qui protègent le consommateur en cas de crise. Ils ont été pensés au regard des événements de 2022 pour que l’Europe puisse désormais disposer “d’un marché de l’électricité socialement juste”, selon les mots de Nicolás González Casares.

La législation prend notamment une nouvelle mesure pour protéger l’accès à l’électricité des particuliers les plus modestes : il sera désormais interdit de couper l’approvisionnement des consommateurs “vulnérables” ou en situation de “précarité.” L’utilisation de compteurs intelligents, et la proscription des hausses de prix unilatérales “à prix fixe” assureront aussi une sécurité énergétique aux foyers précaires.

Les États européens pourront d’autre part déclencher un dispositif de crise en cas de perturbation majeure du marché de l’énergie, comme celle survenue en 2022, ou d’inflation exacerbée.

La durée de cette “situation de crise” ne pourra excéder un an, mais le dispositif permettra aux membres d’agir efficacement afin d’assurer la protection des ménages vulnérables et des entreprises. Des mesures comme le bouclier tarifaire ou la rémunération des consommateurs réduisant leur consommation lors des pics journaliers par les gestionnaires de réseaux stabiliseraient ainsi le système.

Plusieurs conditions doivent être réunies pour déclarer une crise : si les prix du détail augmentent de façon significative d’au moins 70%, et stagnent à ce niveau pendant plusieurs mois, ou si les prix moyens de gros sont 2,5 fois plus élevés que lors des cinq dernières années, avec un pic d’au moins 180 euros/MWh.

Le dispositif de sécurité permettra dans ce cas aux gouvernements d’intervenir directement sur le marché, pour atteindre une baisse de 80% du prix pour les ménages.

Ce que la réforme change pour les entreprises

Si la réforme prévoit d’assurer la stabilité des entreprises, elle entend également leur imposer un certain nombre d’impératifs pour rendre le marché pérenne.

La réforme favorise les contrats d’achat d’électricité de long terme à prix décidé d’avance, ou PPA, entre un producteur et un opérateur ou un industriel qui revend l’énergie aux consommateurs. Ces contrats permettront de limiter la volatilité des prix du gaz.

Pour assurer la protection des particuliers et la stabilité du marché, les États membres seront en mesure de contraindre les fournisseurs d’électricité à l’utilisation des PPA. Les PME et promoteurs d’énergie renouvelable seront également encouragés à conclure des ventes de PPA.

Le texte prévoit en outre certains dispositifs pour favoriser le déploiement des énergies renouvelables, ou sans carbone.

Le soutien gouvernemental aux investissements dans la production décarbonée lancés après 2027 se matérialise ainsi dans les contrats pou la différence, ou  CFD. Si les revenus générés par le cours du marché excèdent le prix du contrat, le producteur reverse la différence à l’État. En revanche, si le cours s’écroule, l’État doit offrir une compensation à l’entreprise. De quoi offrir davantage de visibilité aux acteurs du secteur.

La réforme incite également les États-membres à promouvoir les énergies renouvelables et les centrales nucléaires neuves, grâce aux contrats d’écart compensatoire. Ces textes assurent un revenu minimum aux fournisseurs, qui ne dépendent pas du prix du marché. Les bénéfices sont cependant limités par la loi.

La révision du système prévoit néanmoins la possibilité de subventions des centrales électriques au charbon par les gouvernements jusqu’à la date butoir de 2028. La Pologne soutient particulièrement cette mesure, qui a poussé les écologistes à se retirer.

Des ambitions modestes : la question écologique

Si la loi a été votée à une large majorité par les eurodéputés (473 votes favorables, 90 contre), les écologistes dénoncent un texte peu ambitieux, qui laisse encore trop de place aux énergies carbones. Michael Bloss, négociateur pour les Verts, indique ainsi que la loi finale ne réalise pas ce qu’elle promettait, à savoir établir les bases d’un système électrique entièrement renouvelable.

Plusieurs pays, comme la Pologne, ont fait part de leur désir d’être dispensés des mesures écologiques que prévoit le texte, comme les limites d’émission de CO2. Une dérogation a ainsi été accordée pour que la réforme puisse s’appliquer aux centrales fossiles, particulièrement polluantes, jusqu’en 2028, à condition d’avoir été construites avant 2019. Une mesure qui fait grincer les dents des écologistes, alors que la question des énergies renouvelables est au cœur de l’actualité française.

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