Une idée lumineuse

Le Sahara, et les déserts plus généralement, a toujours suscité de nombreuses interrogations. Que pouvons-nous faire de ces grandes étendues très peu densément peuplées ?

Le saviez-vous ?

L’Algérie est composée à 84% de zones désertiques situées dans le Sahara.

L’idée de pouvoir “rentabiliser” ces espaces désertiques n’est pas neuve, les premiers projets visant à utiliser des énergies renouvelables via le désert remontent à il y a plus de 30 ans mais c’est à partir de 2009 qu’une initiative majeure est actée: Desertec.
Ce projet cherche à exploiter le potentiel énergétique du désert en installant des panneaux solaires mais également des éoliennes. Il part du constat que seulement un vingtième de la surface du Sahara, couvert de capteurs solaires, permettrait d’alimenter le monde entier en électricité. Desertec nourrit de très grandes ambitions car il prévoit également l’exportation de cette énergie vers l’Europe. Desertec doit permettre aux pays européens de couvrir 20% de leurs besoins énergétiques d’ici 2030. L’Allemagne, via ses centre de recherches, effectue de nombreuses études pour statuer que d’ici 2050, ce projet pourrait alimenter 50% des besoins énergétiques de l’Europe, Moyen Orient et Afrique du Nord réunis.

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Des entreprises africaines et européennes créent un consortium pour réaliser un projet test visant à démontrer la faisabilité de Desertec sur le plan de la production énergétique mais également sur l’exportation de cette énergie vers l’Europe. Des premiers essais sont réalisés au Maroc, ils sont concluants concernant la production d’énergie mais beaucoup moins sur son exportation. Le Maroc adoptera cependant massivement l’énergie solaire et en 2016 sa première centrale solaire Noor est inauguré.

Les centrales solaires Noor au Maroc constituent le plus grand parc solaire au monde faisant partie d’un vaste projet visant à produire 42% des besoins en électricité du pays d’ici 2020. Il est divisé en 4 tranches (Noor I, II, III, IV) utilisant chacune des technologies différentes pour choisir à terme la plus rentable.

Utiliser des panneaux solaires dans le désert nourrit donc beaucoup d’ambition mais l’exemple du Maroc est probant car il montre que l’exportation de son énergie est très difficile. Desertec revoit ses objectifs et s’interroge sur ses conditions de réussite. Appliquer l’exemple du Maroc à plus grande échelle nécessite de trouver des espaces qui ne soient pas des dunes et qui soient assez proches de la mer et d’un réseau électrique; tester et entretenir des installations qui seront soumises à des tempêtes de sable et à des chocs thermiques importants (dans le désert les températures peuvent connaître des amplitudes thermiques de plus de 40 degrés). A partir de 2013, l’idée de départ d’alimenter l’Europe en énergies renouvelables sera abandonnée, le projet tout entier sera mis de côté pour le repenser.

Des réticences quasi-insurmontables

Si l’on reste dans la théorie, le projet d’alimenter le monde en énergies renouvelables grâce à un petite portion du Sahara est très séduisante. Pour développer l’énergie solaire, le physicien allemand Gerard Knies constate que: « En six heures, les déserts reçoivent plus d’énergie du soleil que ce que consomme l’ensemble du genre humain en une année ». La pratique est beaucoup moins évidente. Sans entrer immédiatement dans l’aspect technique, le projet Desertec a été également stoppé pour des raisons diplomatiques et géopolitiques. Les pays du sud (Moyen-Orient et Afrique du Nord) dénoncent un “éco-colonialisme” de l’Europe, tandis que les pays du nord redoutent une nouvelle forme de dépendance énergétique avec les pays produisant l’énergie renouvelable.

Les éoliennes et les centrales solaires dans le désert pourraient également augmenter les précipitations ! La revue scientifique “Science” détaille que les éoliennes et panneaux solaires changeraient la température au sol et modifieraient les flux d’air, les auteurs de l’étude estiment qu’il pleuvrait davantage dans le Sahara, les précipitations passant de 0,24 à 0,59 mm par jour.

Desertec a connu de nombreuses divergences sur le sujet du transfert technologique, les entreprises européennes refusant de collaborer avec les entreprises locales. De plus, les déserts sont des zones difficiles à protéger et peuvent être la cible d’attaques terroristes dans des régions instables.

Dans la pratique, l’aspect technique est d’autant plus compliqué. En effet si un petit carré du Sahara permet d’alimenter le monde, le fait d’acheminer l’énergie, ne serait-ce qu’en Europe, reste un challenge considérable et extrêmement coûteux. Le projet Noor au Maroc devait acheminer une partie de l’électricité produite vers l’Espagne, uniquement séparée par le détroit de Gibraltar. Les gouvernements marocain et espagnol ont rapidement abandonné le projet au vu de l’investissement financier nécessaire.

La consommation en eau pour refroidir les panneaux est colossale, dans des régions où l’eau est rare et précieuse, beaucoup de voix écologiques se sont exprimées s’interrogeant sur la provenance et l’acheminement de cette eau.

 width=Usine de dessalement au nord d’Agadir destinée à l’irrigation, la consommation d’eau potable, et une petite partie pour le refroidissement des panneaux solaires.

 

Exploiter le Sahara pour alimenter nos ville en énergies renouvelables est une vieille idée qui resurgit régulièrement sans que les divergences géopolitiques ne soient pour autant résolues. Les impossibilités techniques du projet ont servis Desertec à repenser ses missions, ne souhaitant ainsi plus alimenter l’Europe mais réaliser des projets de plus petites envergures et économiquement rentables pour alimenter les localités. En prenant exemple sur le Maroc qui est en passe d’atteindre son objectif de produire 42% de sa consommation d’électricité en énergie renouvelable d’ici 2020, Desertec a pris un second souffle et souhaite approfondir cette dynamique.

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