Marché à terme : comprendre le prix de l’électricité

Le marché à terme appartient au marché de gros de l’électricité. Il s’agit d’un marché financier où producteurs et fournisseurs peuvent acheter et vendre de l’électricité pour une date ultérieure. Ces contrats fixent le prix de l’électricité pour une période future spécifiée, généralement sur une base mensuelle ou annuelle. En France, aujourd’hui, le prix de l’électricité est fixé à 38.39 pour dans un mois, à 44.25 pour dans trois mois, à 67.25€ pour dans un an.

Les prix du marché à terme

Les prix du marché à terme peuvent concerner des produits livrés dans un mois, trois mois, ou un an. Ils se caractérisent par une certaine volatilité. Le graphique suivant illustre l’évolution des prix calendars, ou des produits livrables dans un an, jusqu’à leur livraison finale. Par exemple, la ligne noire représente l’évolution du prix pour des produits dont la livraison est prévue en 2029.

Qu’est-ce que le marché à terme de l’électricité ?

Définition

Le marché à terme correspond au marché de gros de l’électricité sur lequel des transactions, qui comprennent prix, volume et qualité de l’électricité, sont conclues à l’avance pour une livraison et un paiement reportés à une date ultérieure et préalablement définie, appelée le terme.

Les prix du marché à terme désignent donc des prix pour des contrats de livraison qui s’étalent dans le temps : ils peuvent concerner des produits qui seront livrés dans un mois, trois mois ou un an. On appelle ces produits des monthly, des quarter et des calendar.

Les acteurs du marché de l’électricité peuvent signer des contrats de vente/d’achat d’électricité pour une fourniture dans les jours, les semaines, les mois, les trimestres, ou les années à venir, à un prix négocié à la date de conclusion du contrat.” – Commission de régulation de l’énergie (CRE)

Il ne faut pas confondre les marchés à terme avec le marché spot, qui concerne des produits de court terme, vendus la veille pour le lendemain, qui permettent des ajustements de l’offre à la demande d’électricité.

Les acteurs du marché

Quatre types d’acteurs structurent le marché à terme de l’électricité :

  • Les producteurs d’électricité qui vendent leur production
  • Les traders qui achètent et vendent de l’électricité
  • Les brokers qui servent d’intermédiaire entre vendeurs et acheteurs pour faciliter les transactions
  • Les fournisseurs qui achètent de l’électricité pour la commercialiser sur le marché du détail

Les transactions sont généralement conclues sur les plateformes d’échange EEX, Ice ENDEX, Nasdaq et Nymex. La principale plateforme d’échange en France est EEX.

Parmi les traders, on compte notamment en France EDF, Engie, TotalEnergies, Aspo, Mercuria, Uniper, Alpiq et Shell.
Du côté des principaux brokers, on peut citer Marex Spectron, TFS, BGC, tullett prebon, ICAP, GDI et Evolution markets.

À quoi sert le marché à terme de l’électricité ?

Le marché à terme de l’électricité fonctionne sur mécanisme de prévision des coûts, qui a pour but d’équilibrer l’offre et la demande. Il permet au fournisseur d’énergies d’anticiper la demande d’électricité en fonction des journées types de chaque saison, de la consommation d’électricité associée et du coût variable, ou coût du combustible.

Le coût variable est fixé en fonction de la centrale la plus chère nécessaire pour répondre à la demande. En Europe, et donc en France, ce sont les centrales à gaz qui couvrent la partie variable de la demande : le prix de l’électricité sur les marchés de gros est donc indexé sur celui du gaz, expliquant l’impact de la crise en Ukraine sur les prix spot de l’électricité en 2022.

En France, la consommation d’électricité est particulièrement thermosensible : c’est-à-dire que l’électricité est essentiellement utilisée pour le chauffage. En hiver, la puissance demandée augmente de 2,4 GW pour chaque degré en moins, tandis que les durées réduites d’ensoleillement exigent des volumes d’électricité conséquents.

Ainsi, selon RTE, la puissance de base d’une journée type en hiver est de 55 GW. Une quantité que les fournisseurs peuvent acheter d’avance sur les marchés à terme, pour couvrir ces besoins à l’avance : l’ajustement à la journée est permis grâce au marché spot et au marché intra-day.

Le marché à terme permet donc aux fournisseurs d’acheter à l’avance la base de puissance dont ils sont certains d’avoir besoin pour une période donnée. On peut le voir sur le graphique qui suit :

Les différents types de produits dérivés

Les produits dérivés sont des instruments financiers dont la valeur dérive de l’évolution future des prix de l’électricité. Ils permettent notamment aux participants de se protéger contre les fluctuations du cours de l’électricité, mais aussi de spéculer.

On décompte trois principaux produits dérivés :

  1. Les futures
  2. Les options
  3. Les forwards

Les futures sont des contrats à terme standards, négociés via une bourse, qui engagent l’acheteur et le vendeur à acheter ou vendre une quantité spécifiée d’électricité à un prix déterminé à une date future convenue à l’avance. Les transactions effectuées sont anonymes. Une chambre de compensation est nécessaire dans la conclusion de ce type de contrats. Le Market-to-Market journalier, un procédé qui consiste à évaluer leur valeur actuelle en fonction des prix du marché actuels, est obligatoire dans la transaction de futures.

Une chambre de compensation est une entité financière qui agit comme un intermédiaire entre les parties impliquées dans une transaction financière ou commerciale. Son rôle principal est de garantir le bon déroulement et la sécurité des transactions en minimisant les risques de contrepartie.

Les options, quant à elles, sont des instruments financiers qui donnent à l’acheteur le droit, mais non l’obligation, d’acheter (option d’achat ou “call”) ou de vendre (option de vente ou “put”) un forward ou un futures à une date d’exercice déterminé (le strike), contre le versement d’une prime (le premium.) Elles sont peu liquides, et essentiellement négociées de gré-à-gré , en OTC.

Les forward consistent enfin en des contrats à terme négociés de gré à gré, en OTC : c’est-à-dire qu’ils ne sont pas standardisés et qu’ils sont directement négociés entre les parties, ou un broker. Les contrats forward OTC offrent une flexibilité significative en termes de conditions de contrat, de quantités et de dates de livraison.

Néanmoins, ils présentent également des risques significatifs, notamment le risque de contrepartie, c’est-à-dire le risque que l’une des parties ne respecte pas ses obligations contractuelles. Le paiement se fait à l’échéance, et il n’y a pas nécessairement de Market-to-Market.

Les acteurs constituent généralement des portefeuilles qui leur permettent de se prémunir contre les risques du marché.

D’autres produits dérivés existent également comme les shapes, les spreads ou les dérivées climatiques, mais il s’agit d’instruments financiers moins essentiels sur le marché à terme.

Quelles sont les différences entre le marché spot et marché à terme ?

Le marché à terme et le marché spot appartiennent tous les deux à la catégorie du marché de gros de l’électricité. Quoiqu’ils soient connectés, leur usage et leur fonctionnement ne sont pas les mêmes : lorsqu’on parle de la flambée des prix du détail de l’électricité, on utilise souvent le prix spot de l’électricité mais la temporalité des deux marchés est très différente.

Prix spot : marché de court terme

Le marché spot, aussi appelé marché de l’électricité en temps réel, fonctionne sur la base de transactions à court terme entre producteurs et fournisseurs d’énergie pour des livraisons le jour même ou le lendemain. Ces échanges sont facilités par des plateformes comme EPEX SPOT pour le marché français. Ce marché vise à ajuster la production à la consommation en temps réel, garantissant ainsi l’équilibre entre l’offre et la demande.

Le marché spot day-ahead est utilisé pour établir les prix du lendemain, heure par heure : les acteurs envoient leurs ordres d’achat avant midi, et un prix d’équilibre est calculé pour coordonner l’offre et la demande entre 12h30 et 13h.

Les prix du marché spot day-ahead sont particulièrement volatils et peuvent varier considérablement en fonction de facteurs tels que la météo, les pannes d’infrastructure ou les fluctuations de la demande.

Les coûts primaires et marginaux de l’énergie, qui peuvent être impactés par l’utilisation potentielle de différentes sources de combustible, sont également pris en compte. Les énergies renouvelables, comme le solaire et l’éolien, ne sont pas soumises à ces coûts.

Le marché spot établit les prix de l’électricité pour d’autres marchés de gros de l’énergie, comme le marché à terme.

Merit order et coûts marginaux

Le merit order est un concept commun au marché à terme et au marché spot pour fixer les prix de gros de l’électricité. Chaque unité de production est sollicitée en fonction d’un ordre de priorité, qui est défini selon le coût marginal de production.

Le prix du MWh fluctue en fonction des coûts marginaux de production d’électricité sur les marchés de gros. Les différentes sources de production sont classées par ordre croissant de ces coûts. Le prix de l’électricité pour toutes les autres sources est déterminé par le coût marginal de la dernière unité de production du classement. La liste se présente de la manière suivante :

  1. Géothermie : 0€ / MWh
  2. Éolien terrestre : 0€ / MWh
  3. Éolien en mer posé : 0€ / MWh
  4. Éolien en mer flottant : 0€ / MWh
  5. Solaire au sol : 0€ / MWh
  6. Hydrolien : 0€ / MWh
  7. Petite hydroélectricité : 0€ / MWh
  8. Nucléaire EPR : 27,7€ / MWh
  9. Nucléaire : 30€ / MWh
  10. Gaz naturel : 70€ / MWh
  11. Charbon : 86€ / MWh
  12. Fioul : 162€ / MWh

Quelles sont les interactions entre marché spot et marché à terme ?

Quoique les deux marchés soient distincts, il existe des interactions entre marché spot et marché à terme. Les deux marchés sont, en effet, indispensables pour assurer l’efficacité et la stabilité du système énergétique.

Le marché spot fournit un prix de référence pour le marché à terme, qui est indexé sur ce premier. C’est-à-dire que le prix spot de l’électricité est souvent utilisé comme base pour la fixation des prix dans les contrats à terme.

Les participants du marché utilisent d’autre part le marché à terme pour gérer les risques liés à la volatilité des prix sur le marché spot, puisque les contrats à terme permettent aux parties de sécuriser leurs prix d’achat ou de vente à l’avance. Le marché spot complète les achats sur les marchés à terme en permettant d’affiner la vente et l’achat d’électricité en fonction des besoins en temps réel.

Les producteurs d’électricité peuvent également ajuster leur production en fonction des signaux de prix provenant du marché spot et des prévisions de prix sur le marché à terme.

Prix spot et prix à terme

Le graphique suivant suggère la différence entre prix spot et prix à terme. On voit donc la différence entre le prix d’achat il y a un an, et le prix d’achat le jour même pour un même produit :

Les évolutions du prix de l’électricité sur le marché à terme

Le prix de l’électricité sur le marché à terme peut s’avérer aussi volatil que le prix spot sur le marché de gros de l’électricité. Certaines crises des années passées ont souligné ce phénomène.

2021 : capacité de production française

L’année 2021 a été marquée par l’instabilité du marché à terme en France. Dans son bilan de 2021, la CRE évoque notamment “une crise électrique spécifiquement française.La disponibilité du parc nucléaire, déjà limitée, s’est détériorée suite à la découverte d’une anomalie sur des systèmes de sécurité à la centrale de Civaux.

Des problèmes de corrosion des réacteurs nucléaires ont ainsi été identifiés, et plusieurs d’entre eux ont dû être suspendus, réduisant de façon significative la capacité du parc nucléaire français. Les conséquences sur le marché à terme de l’électricité ont été tangibles, notamment en raison des craintes quant à la sécurité d’approvisionnement en énergie.

Les prix à terme annuels ont été portés en moyenne à 94,7 €/MWh, soit + 111 % par rapport à 2020.

Les prix à terme pour l’hiver 2021-2022 reflétaient les inquiétudes, anticipant des périodes de prix très élevés, voire des risques de défaillance. Par exemple, le prix pour livraison en base en France au premier trimestre 2022 a atteint 772 €/MWh le 21 décembre 2021, alors que la France dispose d’ordinaire des prix de marché les plus compétitifs à cette période.

Cette tension sur les prix à terme s’est également manifestée dans les prix de court terme, notamment ceux des moyens de production disposant d’un stock d’énergie limité, comme la production hydroélectrique.

On peut observer l’impact de cette crise sur le graphique suivant, grâce à des produits quarter :

La crise en Ukraine et la conséquence sur le marché à terme

La crise géopolitique ukrainienne a eu des conséquences majeures sur les marchés de gros de l’électricité, faisant exploser les prix sur les marchés à terme. Alors que les experts ont souvent utilisé le prix spot pour évoquer l’impact de la crise sur les prix de l’électricité et sur les consommateurs, les prix du marché à terme ont aussi été fortement déstabilisés.

Le 22 août 2022, les prix à terme livrables en 2023 ont même atteint les 1200 euros du MWh.

Les produits calendar, quarter ou du mois de décembre ont donc continué d’impacter les consommateurs en 2023, ainsi que les offres de marché.

Le graphique suivant illustre cette situation avec des produits quarter  :

La situation en 2024

Le graphique suivant illustre l’évolution des prix pratiqués en 2024 pour les années à venir :

Les risques rencontrés sur le marché de l’électricité

Quels sont les risques principaux du marché de l’électricité ?

Les acteurs du marché à terme de l’électricité peuvent rencontrer plusieurs risques.

Des risques liés aux prix
  • Une volatilité accrue
  • Un marché incomplet, parce que certains contrats ou certaines périodes de livraison ne peuvent pas être couverts
  • Un problème de “slipage” : le prix de marché entre le moment où une demande est envoyée et où le marché l’exécute
  • Une corrélation négative entre la température et les prix, et entre les vents et les prix
Des risques de volumes de long terme
  • Pour les fournisseurs : un changement dans l’activité économique, un switch des consommateurs, des températures différentes des moyennes saisonnières
  • Pour les producteurs : des indisponibilités non planifiées, des conditions climatiques anormales, notamment pour les énergies renouvelables
Des risques de court terme
  • Pour les fournisseurs : des changements de prévisions de température
  • Pour les producteurs : des pannes, des contraintes techniques et opérationnelles et des changements climatiques, notamment pour les énergies renouvelables

Les acteurs du marché de l’électricité doivent d’autre part constamment prendre en compte les contraintes liées aux dynamiques de marché : l’achat ou la vente de contrats à terme nécessite généralement de déposer du collatéral, c’est-à-dire d’une garantie monétaire qui permet de couvrir des pertes futures. Ce dernier suit généralement l’évolution des prix (Market-to-Market). De plus générer de nombreuses transactions génère des coûts (primes des options, frais de transactions…)

Couvrir ces risques

Pour contrer ces risques, les différents acteurs peuvent recourir à plusieurs stratégies :

  1. Utiliser la couverture offerte par les marchés à terme pour fixer les revenus
  2. Suivre sa position et les nouvelles transactions en cas de changement dans les prévisions
  3. Optimiser les positions résiduelles sur le marché spot pour optimiser les prévisions

L’histoire du marché EEX, principale plateforme d’échanges en France

  • 2002 : Création de l’European Energy Exchange (EEX) à Leipzig, Allemagne, résultant de la fusion de la LPX Leipzig Power Exchange et de la EEX Frankfurt Power Exchange.
  • 2006 : EEX commence à offrir des produits de trading pour le marché de l’électricité français.
  • 2008 : Fusion avec Powernext, une bourse française, permettant à EEX d’élargir ses activités sur les marchés européens du gaz naturel.
  • 2009 : Introduction de produits pour le trading de certificats d’émission de CO2 (EU ETS).
  • 2010 : Lancement des produits à terme pour le marché du gaz naturel autrichien.
  • 2011 : Expansion des produits de trading pour inclure des contrats à terme sur l’électricité espagnole.
  • 2012 : Acquisition de la majorité des parts de Cleartrade Exchange (CLTX), permettant une expansion sur les marchés de matières premières.
  • 2013 : EEX intègre les activités de négociation des produits d’électricité et de gaz de Powernext, consolidant sa position sur le marché européen de l’énergie.
  • 2015 : EEX devient le principal actionnaire de Gaspoint Nordic, renforçant sa présence sur le marché du gaz nordique.
  • 2017 : Acquisition de la bourse néerlandaise de gaz naturel PEGAS, augmentant la portée des produits gaziers disponibles.
  • 2019 : EEX lance des produits de trading pour l’électricité japonaise, marquant une étape importante dans son expansion internationale.
  • 2020 : Introduction de nouveaux produits de dérivés climatiques pour répondre à la demande croissante de solutions de gestion des risques climatiques.
  • 2021: EEX lance des produits pour le marché de l’électricité britannique post-Brexit.
  • 2022 : EEX continue d’élargir sa gamme de produits pour inclure des solutions pour les énergies renouvelables et les produits d’hydrogène, s’adaptant aux tendances du marché de l’énergie et aux besoins de la transition énergétique.

FAQ

Comment est fixé le prix de l'électricité ?

Le prix de l'électricité varie en fonction des coûts de production et du type d'énergie. Il est fixé par l'évolution des prix appliqués dans les transactions actuelles. 

Quel est le prix de 1 kWh ?

Le prix de 1 kWh en octobre 2024 pour un compteur de 6 kVA au tarif réglementé de vente (le Tarif Bleu d'EDF) est de :

  • Base : 0,2516 €
  • Heures pleines : 0,2700 €
  • Heures creuses : 0,2068 €

Mis à jour le 1 Oct, 2024

Michel Babany

Responsable Data

Michel Babany est le Responsable Data chez Papernest depuis 2021. Expert en énergie, il est chargé de l'analyse des données pour toutes les équipes commerciales. En parallèle, Michel écrit des articles sur le secteur de l'énergie en partageant son expertise et ses analyses sur les tendances et les enjeux du marché.