Une transition énergétique contrastée mais bien avancée

Après la Conférence de Paris sur le climat en 2015, le gouvernement fédéral engage le «plan de protection du climat 2050 » (Klimaschutzplan 2050) qui s’inscrit dans la transition énergétique allemande entamée en 2011: l’Energiewende. Une annonce ambitieuse qui établit 15 objectifs précis dont voici les principaux: (les variations sont prises à partir du niveau de 1990)

  1. Émissions de CO2: -40% en 2020; -55% en 2030; -80% en 2050
  2. Part des EnR dans la consommation électrique: 35% en 2020; 50% en 2030; 80% en 2050
  3. Consommation d’énergies primaires (fossile): -20% en 2020
  4. Consommation d’électricité: -10% en 2020
  5. Consommation d’énergies des transports: -10% en 2020
  6. Véhicules électriques: 1M en 2020; 6M en 2030

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Mis à part les EnR électriques qui ont connu un essor spectaculaire et qui devraient dépasser les 35 % du mix électrique en 2020, aucun autre objectif ne semble en mesure d’être atteint. Le cabinet McKinsey, qui tient un index trimestriel des quinze principaux objectifs de l’Energiewende (nom donné à la transition énergétique allemande), relève même qu’à l’inverse, pour onze de ces objectifs, on s’est éloigné du but entre 2016 et 2018. Les émissions de CO2 ont certes baissé de 26% depuis 1990 (loin des 40% annoncés pour 2020) mais le cabinet rapporte qu’elles ont augmenté de 6,3% entre 2014 et 2018.

L’objectif des EnR dans la consommation électrique est pratiquement atteint grâce à une politique de subvention très importante, réussissant à créer une véritable industrie créatrice d’emplois qui parvient à faire passer la part des EnR dans la consommation de 6% en 2000 à 32% en 2016. Dans le détail de ces énergies renouvelables, c’est l’éolien et le photovoltaïque (PV) qui ont la plus forte croissance, l’hydraulique manquant de sites et l’agriculture étant préférée à la biomasse (France Stratégie).

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Une autre mesure phare dans la transition énergétique de l’Allemagne consiste à abandonner totalement le nucléaire d’ici 2022, ce qui est très bien engagé et largement soutenu par la population et les différents partis politiques. Ce processus s’est accéléré avec la catastrophe de Fukushima en 2011. Le nucléaire représentait 25% de la production d’électricité avant 2011, 14% en 2016 et 12% aujourd’hui, l’objectif sera probablement repoussé de quelques années mais sans nul doute atteint.

L’Allemagne reste pourtant le Dr Jekyll & Mr Hyde de la production énergétique ! L’éolien et le solaire se développent à grande vitesse produisant toujours plus d’énergie dans le mix énergétique allemand, mais nos voisins Outre-Rhin restent les plus gros pollueurs d’Europe en terme d’émissions de CO2. Le charbon est utilisé à hauteur de 58% (source: EEA) dans la consommation énergétique finale, et en grande partie il s’agit de charbon noir (lignite) très polluant. Une contradiction qui pourrait devenir problématique.

Un long chemin à parcourir

L’Allemagne a réussi à s’imposer en Europe comme leader dans le secteur des énergies renouvelables mais reste très souvent pointée du doigt quand il s’agit d’émissions de CO2. L’Allemagne pollue deux fois plus que le Royaume-Uni, trois fois plus que la France. Et pour cause: son charbon ! Depuis le début de l’année 2018, une commission, composée d’une trentaine d’experts, de scientifiques, de patrons et de syndicalistes, travaille sur un plan de sortie du charbon en Allemagne. Preuve que la question de l’industrie charbonnière est épineuse: les conclusions de ce rapport ont été reportées plusieurs fois à cause de divergences internes. Il faut rappeler qu’il n’y a pas simplement un enjeu écologique mais également un enjeu politique et économique.

20 000 emplois sont liés à l’industrie du charbon dans la région d’Aix-la-Chapelle à l’ouest, de Cottbus et de Leipzig à l’est. L’extrême droite, en a fait un sujet électoral.

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La sortie du charbon est d’autant plus compliquée que l’Allemagne est bien décidée à fermer définitivement ses centrales nucléaires la privant ainsi d’une source d’énergie pouvant produire toute l’année. Les avancées de sa transition énergétique se trouvent compromises à la fois par une production d’électricité des EnR peu stockable et non pilotable, et par la place qu’occupent encore la voiture thermique (voiture traditionnelle, en opposition à la voiture électrique) et le charbon dans l’économie allemande.

Une éolienne a en moyenne un facteur de charge de 21%, donc sur une année il produira de l’électricité pendant 2,4 mois

Les transports restent le point noir, avec 30 % de l’énergie finale consommée en Allemagne, essentiellement sous forme d’hydrocarbures. Les Allemands ont longtemps résisté aux normes d’émissions de CO2 que la Commission européenne souhaite imposer aux véhicules, et refusaient encore en avril 2017 le contrôle supranational des organismes d’homologation proposé par l’Union européenne. L’affaire des « moteurs truqués » de Volkswagen et celle des ententes entre constructeurs ont rebattu les cartes et secouent depuis deux ans en profondeur tout le secteur automobile allemand, source centrale de la richesse économique du pays.

Le saviez-vous ?

Le secteur automobile allemand emploie près de 800 000 personnes et génère un chiffre d’affaires total supérieur à 400 milliards d’euros.

Des difficultés de stabilité majeures

La sortie du charbon renvoie à la question de la sécurité d’approvisionnement sur le long terme. Mais à court terme, l’Allemagne est également menacée par les quantités considérables d’EnR intermittentes qui fragilisent le système électrique, l’université de Düsseldorf dans son rapport de 2018 laisse planer des menaces de «black-out ». L’absorption de grandes quantités d’énergie intermittente est devenue problématique, les possibilités de stockage étant quasi inexistantes ou trop peu nombreuses. Les épisodes de surproduction sont donc fréquents, générant occasionnellement des prix négatifs sur les marchés de gros de l’électricité.

10 jours en moyenne par an. L’excès d’offre éolienne, à un instant, pousse les prix à la baisse au point qu’il est plus rentable pour certaines centrales de payer des fournisseurs d’électricité pour qu’ils achètent leur production que de supporter les coûts d’arrêt/redémarrage de leur centrale.
Un phénomène que connaît également la France, dans une moindre mesure.

Mais surtout, des flux très variables menacent la stabilité du système électrique, ce qui oblige les gestionnaires de réseau à recourir régulièrement à des mesures exceptionnelles comme le “redispatching”, qui consiste à arrêter des énergies renouvelables quand leur production ne peut plus être évacuée par le réseau ou absorbée par la demande. Les coûts engendrés deviennent très élevés.

À l’inverse, en l’absence de vent et de soleil, la situation peut devenir très tendue, comme en janvier 2017. L’arrêt de tranches nucléaires en France et les faibles niveaux dans les barrages suisses et autrichiens ont aggravé la situation, empêchant l’Allemagne de s’approvisionner en énergie quand les EnR ne produisaient pas assez. L’Allemagne n’a pas connu de panne significative depuis novembre 2006 et la qualité de fourniture reste globalement très bonne. Néanmoins, une inquiétude commence à se faire sentir dans la population ou au sein de certaines collectivités. Les échanges d’énergies avec l’étranger augmentent en volume et en fréquence, l’Allemagne faisant reposer la stabilité de son réseau sur ceux de ses voisins.

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Alors qu’elle occupe une position centrale en Europe, l’Allemagne a engagé un tournant dans sa politique énergétique, l’Energiewende (transition énergétique). Ce plan prévoit l’arrêt du nucléaire et des énergies fossiles et leur remplacement par un mix composé presque exclusivement d’EnR, dans le but d’une décarbonation quasi totale de l’économie en 2050. On constate aujourd’hui un développement accéléré des ENR, qui comptent aujourd’hui pour un tiers de la production d’électricité. Dans le même temps, de nombreux observateurs, y compris issus de milieux proches du gouvernement, reconnaissent que l’Allemagne ne pourra pas tenir les objectifs en matière de réduction d’émissions de CO2 qu’elle s’est fixés pour 2020, et qu’à long terme l’incertitude reste très forte. De fait, l’efficacité énergétique s’améliore trop lentement, les transports continuent d’utiliser le pétrole et les centrales électriques de brûler les mêmes quantités de charbon et de lignite. Mais le plus inquiétant à court terme est peut-être la sécurité d’approvisionnement, car le réseau est aujourd’hui fragilisé par des flux massifs non contrôlables et intermittents lorsque le solaire et l’éolien tournent à plein ou ne tournent plus du tout.

L’Energiewende jouit cependant toujours d’un fort soutien populaire si l’on en croit l’acceptation des hausses de prix successives (0,30 centimes le KWh contre 0,16 en France selon Vattenfall).

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