Quand nos vêtements deviennent toxiques
Depuis le 26 juin 2019, les soldes battent leur plein. Plus les jours avancent, plus les vêtements sont bradés, encourageant les consommateurs à acheter toujours plus de vêtements dont ils n’auront, pour la plupart, certainement pas une très grande utilité ! Et pour cause : chaque français jette environ 10 kilos de vêtements par an, quand en Europe, c’est 4 millions de tonnes d’habits qui sont jetés en tout par année. Parmi eux, uniquement 10% de ces vêtements seront recyclés ou réutilisés.
Et oui ! Nous achetons aujourd’hui presque 60% plus de vêtements qu’il y a 15 ans. Le problème, c’est qu’en plus de surconsommer, nos vêtements durent moins longtemps. Et produire un vêtement, ne serait-ce qu’un simple t-shirt, a un coût environnemental et social extrêmement élevé ! Le fait de ne pas le porter, ou de ne pas le recycler n’est que la fin d’un long cycle de production et d’acheminement à l’empreinte environnementale énorme.
Pour vous donner une idée, l’industrie textile représente 3% des émissions de gaz à effet de serre selon l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). C’est presque autant que l’aviation civile ! Du côté de la production, l’industrie de la mode utilise plus de 4% de l’eau potable dans le monde. À titre d’exemple, on estime que pour produire un kilo de coton, il faut presque 4 000 litres d’eau. La production de coton équivaut également à 25% des pesticides utilisés sur la planète.
La production d’un vêtement de “fast-fashion” est extrêmement polluante : produits chimiques, quantité d’eau astronomique et émissions de gaz à effet de serre… Tout est réuni pour que l’empreinte environnementale de la moindre pièce issue de l’industrie textile soit la plus grande possible. Et si la culture du coton est très polluante, celle des nouveaux textiles l’est encore plus ! Des vêtements en fibres synthétiques, produits à partir de pétrole et de charbon, nous en possédons tous dans nos armoires. Ce que nous savons moins, c’est que ces fibres représentent à ce jour 60% des micro-plastiques qui polluent nos mers et océans !
Vient ensuite le moment de la distribution : pour qu’un vêtement se retrouve dans le rayon d’une grande enseigne, il se paye une virée en bateau ! Zara et H&M ne produisent pas leurs t-shirts et robes d’été dans l’usine du coin, mais de l’autre côté du globe, où le prix de la fabrication leur revient beaucoup moins cher. Et il faut bien acheminer ce vêtement à leurs premiers consommateurs : les Européens et les Américains ! Mais si le cargo est la bête noire des moyens de transports, puisqu’un de ses trajets équivaut à environ 50 millions de voitures sur la même distance, qu’en est-il alors de notre t-shirt à 10 euros préféré ?
Greenpeace a également soulevé un autre problème : celui des perturbateurs endocriniens retrouvés dans les vêtements. Son enquête “Les dessous toxiques de la mode”, parue en 2012, révélait la présence d’éthoxylates de nonylphénol (NPE), des composés chimiques créés par l’homme, qui se dégradent ensuite au contact de l’eau en composés toxiques persistants et bioaccumulables.
Un composé bioaccumulable, qu'est-ce que c'est ?
On dit d’une substance qu’elle est bioaccumulable lorsqu’elle a la faculté de s’accumuler dans les organismes vivants. Ainsi, ils prennent part à leur métabolisme ! C’est le cas de toutes les substances chimiques qu’on qualifie de “perturbateurs endocriniens”.
Bien que ces composés fassent l’objet de restrictions dans plusieurs pays du monde, ils continuent de se retrouver dans nos vêtements, et de surcroît, dans nos organismes ! Pour une marque comme Zara, 60% des vêtements commercialisés testés en contiennent. Certaines marques plus chères considérées, à tort, comme moins polluantes, en concentrent tout autant voire plus : 88% des échantillons Calvin Klein en contiennent, et 56% des échantillons Giorgio Armani également.
La mode pollue… Mais c’est aussi à cause de nous !
Le problème de cette pollution liée à l’industrie du textile est évidemment corrélée à la consommation que nous avons des vêtements aujourd’hui. Nous consommons bien plus qu’il y a 20 ans, et sans forcément se poser la question de savoir si oui ou non, les habits achetés au rabais nous seront nécessaires pour vivre mieux.
Oui, les marques de fast-fashion polluent énormément. Des enseignes comme Zara, H&M ou encore Mango renouvellent leurs collections toutes les semaines ! Cela crée presque une dictature de l’urgence, qui encourage les consommateurs à acheter vite, de crainte de ne plus jamais retrouver la pièce tant convoitée.
Les soldes, le black friday, les promotions saisonnières hors périodes de soldes, poussent le consommateur à acheter toujours plus de vêtements, mais pas que. Aujourd’hui, nous surconsommons pour tout : que ce soit pour renflouer notre penderie, notre frigo, notre collection d’équipements électroniques derniers cris … La faute n’est pas qu’à l’industrie du textile ! Jeter et acheter neuf est monnaie courante, et est devenu bien plus facile que de prendre le temps de trier, recycler, revendre, ou même d’acheter de la seconde main.
Mais si nous arrêtions d’acheter ces vêtements à outrance ? Tant que les consommateurs frapperont à la porte, les grandes enseignes continueront de surproduire, puisque nous continuons de surconsommer. Si ce n’est pas pour l’empreinte environnementale, pensez également au coût social de l’industrie du textile : les conditions de travail déplorables dans lesquelles sont plongés beaucoup d’ouvriers employés par les plus grandes marques de modes et de la haute-couture devraient suffire à tirer la sonnette d’alarme.
Le saviez-vous ?
Le collectif Fashion Revolution organise une célébration tous les ans à la date anniversaire de l’effondrement du Rana Plaza. En remémorant les faits, le collectif a pour but de sensibiliser la population à la surconsommation de vêtements et aux mauvaises conditions de travail dans l’industrie du textile. Plus d’informations ici.
L’effondrement du Rana Plaza en 2013, qui abritait plusieurs ateliers de fabrication de vêtements pour des enseignes multinationales a d’ailleurs permis d’éveiller les consciences sur ce point. Les fissures présentes dans le bâtiment avaient été ignorées par les responsables des ateliers, causant la mort de plus de 1000 personnes le 13 mai 2013 au matin, lorsque le bâtiment s’est effondré.
Comment faire pour consommer mieux ?
Mais comment faire pour limiter son empreinte environnementale quand il s’agit de se refaire une garde robe ? Un des premiers réflexes sera évidemment de consommer moins, et mieux. Se poser la question de l’utilité d’un vêtement qu’on est sur le point d’acheter est un premier pas lorsqu’il s’agit de surveiller sa consommation. Car non, vous n’êtes pas obligé d’acheter ce top à sequin frangé que vous mettrez uniquement à l’occasion d’une soirée disco !
Des vêtements qui se portent longtemps, c’est ça qu’il faut privilégier lorsque l’on souhaite faire les soldes et acheter des habits de manière éco-responsable. Aussi, vous pouvez vous tourner vers la “seconde main” : de nombreuses plateformes en ligne proposent la revente de vêtements déjà portés, et toujours en bon état.
Quand on sait qu’en moyenne, chaque français possède 114 euros de vêtements non portés dans sa garde-robe, investir dans des pièces déjà achetées et revendues par un particulier sur des plateformes comme Vinted ou Videdressing est une bonne solution ! Certaines pièces sont mêmes revendues neuves et n’ont jamais servi.
Pour les accros des grandes marques, des plateformes comme “Vestiaire Collective” ne jurent que par la revente de pièces de haute-couture comme Dior, Chanel ou encore Yves St Laurent. De quoi refaire sa garde-robe à moindre coût, et faire les soldes de manière éco-responsable… Toute l’année !
Un vêtement neuf et équitable, c’est possible ?
Acheter un vêtement neuf avec une bonne empreinte écologique, c’est aussi possible ! Mais la question est surtout de savoir ce qu’est un vêtement éco-responsable. De nombreuses marques de “fast-fashion” se targuent de proposer des collections de vêtements à l’empreinte écologique réduite, comme H&M et sa gamme “Conscious” : on vous rassure, il n’en est rien.
De nombreuses marques jouent d’ailleurs sur le côté éthique et durable de leurs vêtements pour proposer un prix de vente plus élevé, rendant alors ces vêtements “responsables” très peu accessibles pour une grande partie de la population. Même si il est évident qu’un vêtement produit localement – en Europe par exemple – et à partir de matières premières respectueuses de l’environnement, aura un prix plus élevé.
Mais pour être sûr qu’un vêtement est éco-responsable, attardez vous sur sa composition : le coton bio (qui consomme beaucoup moins d’eau pour être produit), le lin, la laine ou encore le chanvre sont gages d’un coût environnemental réduit concernant la production du vêtement. Préférez aussi des habits sur lesquels les traitements chimiques ont été limités : vous vous en assurerez grâce au label GOTS, qui certifie l’origine bio des tissus, et avec le label Oeko Tex, qui garantie des textiles sans substance néfaste pour l’homme et l’environnement. Ces labels garantissent également de bonnes conditions de travail dans les ateliers de fabrication des vêtements.
Le bio et l’éco-responsable sont de plus en plus au goût du jour, et c’est un avantage pour les “shopping addicts” qui cherchent à consommer mieux : vous trouverez aujourd’hui sur le marché de nombreuses marques proposant des vêtements durables dont la production respecte l’environnement, mais aussi l’humain. Une plateforme française comme Modetic, par exemple, commercialise uniquement des produits fabriqués en France, en Europe, ou provenant du commerce équitable. Elle existe depuis 2007, et vous assure une mode éthique à un prix abordable.
La marque française Ekyog, certifiée GOTS, le suédois Dedicated, qui fabrique ses vêtements à partir de bouteilles d’eaux recyclées, ou encore la marque britannique People Tree, pionnière dans le prêt-à-porter éco-responsable, peuvent aussi vous permettre d’acheter des vêtements, certes un peu plus coûteux, mais tout de même abordables et à l’empreinte environnementale moindre !
Si de plus en plus de marques éthiques voient le jour dans le monde de la mode, des efforts sont aussi fait du côté de certaines grandes enseignes ! Le programme Go for Good des Galeries Lafayettes par exemple, qui encourage les consommateurs à consommer de manière plus responsable, est un premier pas pour les grands magasins vers une mode à l’impact plus positif pour l’environnement, qui favoriserait le production locale et le “développement social”.
Et si les marques peuvent faire des efforts, les consommateurs aussi ! Aux prochaines soldes, ne vous demandez pas uniquement si ce vêtement vous va bien avant de l’acheter… Mais aussi où et comment il a été fabriqué !
Sources
- https://www.quelleenergie.fr/magazine/actu-environnement/impact
-soldes-environnement-51989/ - https://www.lepoint.fr/mode-design/soldes-comment-la-fast-fashion
-menace-l-environnement-09-01-2019-2284604_265.php - https://www.greenpeace.fr/soldes-la-planete-en-liquidation/
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