Confinement : baisse de la demande en électricité

C’est du jamais vu depuis la Seconde Guerre mondiale : en 2020, notre consommation d’énergie (électricité, gaz, pétrole et charbon) devrait chuter de 6%, d’après l’Agence internationale de l’énergie. Depuis le début du confinement, la consommation d’électricité en France a même baissé de 15% pour atteindre des niveaux comparables à un mois d’août.

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Source : RTE

La raison ? Le confinement, bien sûr. Si les particuliers sont confrontés à une augmentation de leur consommation, les entreprises massivement à l’arrêt ont naturellement vu s’effondrer la leur. Or les ménages français ne représentent qu’un peu plus du tiers de la consommation d’électricité française.

Au contraire des entreprises, les particuliers consomment bien plus en ces temps de confinement : appareils allumés dans la journée, ordinateur pour le télétravail ou l’école à distance, chauffage pour les journées encore fraîches de mars, etc.

Avec des transports, des industries, des commerces et des entreprises à l’arrêt ou presque, la demande en électricité a donc drastiquement chuté. Problème : avec cet effondrement de la demande, les prix de gros sur le marché de l’électricité ont suivi la pente descendante.

Depuis la fin du mois de février, les prix du mégawattheure d’électricité ont ainsi fait un plongeon de 40% sur le marché français. Et les autres pays européens sont globalement dans le même bateau.

En France, les fournisseurs d’énergie se retrouvent alors en surcapacité. En d’autres termes, la production est supérieure à la demande et les fournisseurs se retrouvent avec de l’électricité en trop sur les bras.

Les fournisseurs alternatifs en guerre avec EDF

Dans ce contexte, la position des fournisseurs alternatifs est délicate. Ces fournisseurs sont apparus sur le marché depuis son ouverture à la concurrence dans les années 2000, prenant peu à peu des parts de marché à EDF, le fournisseur historique d’électricité.

Aujourd’hui, ces fournisseurs sont nombreux : on en compte plus d’une trentaine, dont certains apparus très récemment comme les start-ups Bulb et Barry, qui se lancent en France en 2020. Mais depuis 2011, EDF et les fournisseurs alternatifs sont engagés dans un dispositif qui s’appelle l’ARENH.

L'ARENH, qu'est-ce que c'est ?

L’ARENH (Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique) est un dispositif qui permet aux fournisseurs alternatifs de s’approvisionner auprès d’EDF à des conditions avantageuses.

Les fournisseurs alternatifs ont plusieurs solutions pour s’approvisionner en électricité :

  1. Être eux-mêmes producteurs
  2. Acheter de l’électricité sur le marché de gros
  3. Acheter de l’électricité issue du nucléaire à EDF

L’ARENH permet en fait aux fournisseurs alternatifs de s’approvisionner à des conditions équivalentes à celles d’EDF, régulées par les pouvoirs publics. L’État considérait qu’EDF avait un avantage grâce à ses centrales. Avant l’ARENH, les fournisseurs alternatifs devaient s’approvisionner sur le marché de gros dont les tarifs étaient plus élevés. Ce dispositif vise donc à garantir la concurrence au sein du marché de fourniture d’énergie.

Mais alors, qu’est-ce qui coince aujourd’hui ? C’est tout simple : avec la baisse de la demande en électricité et l’effondrement des prix de gros, les fournisseurs se retrouvent avec trop d’électricité qu’ils sont obligés de vendre 60% moins cher. Ils perdent beaucoup d’argent et se retrouvent en difficulté, particulièrement les petits fournisseurs.

L’ARENH permet aux fournisseurs alternatifs d’acheter leur électricité à EDF pour 42 euros le mégawattheure. Début 2020, les prix de gros sur le marché européen étaient d’environ 50 ou 55 euros/MWh. Aujourd’hui, ils tournent autour de 20 euros/MWh.

Les fournisseurs alternatifs veulent donc activer la clause de force majeure prévue dans leur contrat ARENH pour ne pas se retrouver avec cette électricité qu’ils sont forcés de revendre à prix cassé.

EDF et ses concurrents au tribunal de commerce

baisse prix electricite coronavirusPour le moment, les fournisseurs alternatifs n’ont pas obtenu gain de cause. Bien sûr, EDF ne souhaite pas renoncer à la vente : aussi durement touché par la crise, le fournisseur historique a déjà revu à la baisse sa production nucléaire pour l’année. À l’heure d’une des pires crises économiques de notre histoire, les enjeux sont de taille. Aujourd’hui, c’est même une question de survie.

Les concurrents en ont donc appelé à la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE) et au Conseil d’État, qui les ont déboutés. Ils se sont ensuite tournés vers Elisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire.

Dans un courrier daté du 23 avril rendu public et disponible ici, Julien Tchernia, président du fournisseur alternatif ekWateur, a appelé la ministre à “garantir la pérennité” de son secteur. Il explique ne pas comprendre le refus d’application de la force majeure, pourtant prévue par le contrat de l’ARENH et définie comme “un événement extérieur, irrésistible et imprévisible rendant impossible l’exécution des obligations des Parties dans des conditions économiques raisonnables”.

“Dans ces conditions, comment ne pas considérer que l’épidémie de Covid-19 qui frappe tout le monde et tous les territoires ne constitue pas, en effet, un évènement extérieur, irrésistible et imprévisible ? Et comment nier que l’absence de conditions économiques raisonnables, résultant de la pandémie du Covid 2019, tient bien au fait de la réduction massive de la consommation d’électricité et à l’effondrement corrélatif des prix de gros ?” – Julien Tchernia

Elisabeth Borne a refusé que tous les risques pèsent sur EDF. Craignant “des effets d’aubaine”, elle a affirmé qu’il s’agissait avant tout d’un “problème de principe”. L’ARENH a toujours été un dossier sensible, EDF ne désirant pas casser les prix alors que l’entreprise assume seule l’entretien des réacteurs nucléaires français auprès desquels s’approvisionnent donc également les fournisseurs alternatifs.

Ces derniers ne comptent pas en rester là. Menés par le géant Total Direct Énergie, premier fournisseur alternatif de France et fort des millions de clients apportés par la fusion de Direct Énergie et Total Spring l’an passé, ils ont enclenché une bataille judiciaire en lançant une procédure d’urgence au tribunal de commerce de Paris.

Chacun tentant de défendre son droit dans ce contexte économique particulièrement tendu, ce sera donc au tribunal de trancher l’affaire.

Sources :

  • https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/coronavirus-le-marche-de-lelectricite-broie-du-noir-1187700
  • https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/04/29/edf-total-guerre-nucleaire-entre-geants-de-l-energie_6038117_3234.html
  • https://media.rte-france.com/covid19_quels_impacts_sur_la_consommation_electricite/
  • https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/coronavirus-total-direct-energie-engage-une-bataille-judiciaire-contre-edf-1198262

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